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lundi 1 mai 2017

Corsair-African psycho à 10 000 pieds





Retour hier au pays, j'avais choisi la compagnie Corsair pour voyager depuis Paris.





Négociation pour les kilos en trop, sandwich et lèche vitrine, j'étais vite assise à bord et ai apprécié que le vol non-complet m'offre le confort d'un siège vide entre moi et mon voisin. Si j'avais su à quel point...

Le gars qui arrive semble ravi de l'expérience, appuyée par de nombreux selfies une fois assis. Décollage, "forts turbulences prévues tout le long du vol", bon ben après le repas une petite sieste ferait passer le temps.
Plus de choix, daube aux petits pois ce sera. Allez, oui du vin merci, rouge s'il vous plaît. Mon voisin fait de même. 
Nous mangeons dans notre coin en silence, moi branchée sur le film avec mes écouteurs. Le type voulait tenter un mouvement d'approche, il commande 2 bouteilles de vin au steward sans que je m'en aperçoive, et arbore un air de coq victorieux quand elles sont déposées sur la tablette entre nous deux.

Dans ma Tête ça clignote. Ce gars est un Homme des Cavernes. Pour brancher la femelle et la convaincre de visiter sa grotte, il dépose des proies convoitées (du vin gratos! Même pas besoin de sachets bleus!) à ses pieds. Message reçu coco, sauf que je ne joue à aucun jeu dont je n'approuve les règles (ou qu'elles correspondent à ses besoins ET à mes besoins), donc là c'est gentil mais je ne joue pas. Balayage de grotte très peu pour moi. J'avais pas prévu de boire plus, je vais donc sourire et refuser.

L'Homme des Cavernes

Homme des Cavernes est déconcerté. Quelle est cette étrange femelle qui refuse des proies de choix? Le message simple d'une protection possible, où le couvert serait fourni. Et puis du vin, d'autres mâles se battraient pour ça! Mais si Homme des Cavernes vole un jour dans cet avion, c'est qu'il a une belle qualité, la persévérance. Il est même progressiste, cette femelle est certes étrange, mais cela pourrait donner de la valeur au trophée. Allons au delà de ses bizarreries, et montrons lui que nous lui pardonnons et pouvons lui faire une place dans le clan. Tiens, elle mange avec sa main. Félicitons-la.

Effectivement, bœuf en sauce + pain caoutchouc (le tout en portion micro-kid) = sauçage obligatoire. J'ai même les doigts qui trempent un peu. Et au milieu de cet exploit d'élégance et de savoir vivre (ma copine Marie-Josèphe Koutouan aurait plein de choses à redire), le gars me félicite sans rire. Il est trop sérieux quand il dit qu'il aime quand je mange avec la main. C'est comme ça c'est doux, faut continuer. Y' avait encore 4h de vol à tirer.

Là je lui réponds (un peu sèchement j'avoue, j'avais encore du bœuf entre les dents et de la sauce au coin des lèvres, sans parler de mes doigts qui cherchaient la serviette sans la trouver) que je suis ravie qu'il savoure son déjeuner, et que j'essaye de faire de même, et qu'à cet effet ses commentaires sur ma façon de déjeuner ne m'étaient que d'une aide piètre. Il a buggé.

Pendant 3 heures, c'est no contact. Je suis dans ma bulle et ne le calcule même plus, j'ai enfin trouvé un film potable pas vu à l'aller. Turbulences et débouclage ceinture-pipi (asseyez vous mademoiselle le signal est encore allumé! Oui mais ça fait 45 mn et là c'est plus possible)-rebouclage, finalement ça passe vite. Comme dans les meilleurs polars, c'est dans la dernière heure que tout s'est joué.

Le gars sent que le temps est compté. Le duty free est déjà bouclé, on entend que les cuisines sont déjà rangées, prêtes à débarquer. Là il faut se magner. Il tente sa carte maîtresse, son téléphone. Effectivement, une belle bête. Grande comme la moitié de mon iPad, avec un écran super wide, le gars est équipé. Et comme il prend pas souvent l'avion (voir plus haut), il a pas bien compris l'histoire du mode avion et a, je ne sais comment, reçu des messages. Il check. Au passage il fait bien défiler sa liste en orientant l'écran vers le siège couloir, histoire que je réalise à quel point ce gars est populaire et reçoit pleiiiiiiiin de messages.

Je suis effectivement hypnotisée par l'écran, mais plutôt en mode sidérée que son grand move ça soit de me montrer à quel point il s'en balek des consignes de sécurité, surtout quand ça fait déjà deux fois qu'ils ont demandé aux mamans de récupérer les bébés dans les couffins et les sangler sur les genoux tellement on se croirait dans un shaker. Donc Cave Man lit ses messages en envoyant des signaux au moment où ils ont l'air plutôt tendus à capter entre les masses électriques à l'extérieur. Effectivement, à cet instant je veux ce gars dans mon lit, dans mon cœur et dans ma vie. Il a tout pour me faire rêver, nourriture et sécurité. Nan je plaisante, c'est pas tout à fait ça et vous l'aviez compris.

Quand je suis sidérée, je zappe. Je replonge donc hermétiquement dans mon bouquin. Trop hermétiquement semble-t-il, puisque Cave Man pousse à fond le volume de son téléphone et entame une partie en mode WarCraft. Avec le téléphone il avait joué son dernier atout, perdu pour perdu autant sauver l'ego. La dernière bataille s'engage, et il ne fera pas de quartier. La poulette avec ses lunettes, il va la faire valser.

À ma gauche donc, bande-son mitrailleuses et explosifs, et moi j'essaye de re-lire la page 43 de "Voyage aux confins de la conscience" (excellente lecture que je recommande fortement, toutefois dans des conditions plus appropriées au contenu). Les violons sont au max, c'est là que tout se passe.

Amélie (petite voix flûtée, un truc me dit que ça va pas marcher) : "heu Monsieur s'il vous plaît, pourriez vous couper -ou diminuer- le son de votre jeu? Parce que la...."
Cave Man: "han?"
Amélie (répète exactement la même chose, un peu plus fort, deux fois)
Cave Man saisit que c'est l'instant crucial. Maintenant ou jamais. Il l'envoie chier. Un peu de respect femelle. 
Cave Man : "faut mettre tes écouteurs ou bien changer de siège"
Amélie (sidérée): "heu ben non Monsieur, la liberté des uns s'arrête là ou commence celle de l'autre, nous sommes dans un espace commun".
(Bon là aussi comme dit plus haut, vin rouge au dej, pour les envolées lyriques ça aide.)
Le gars rigole et repart dans son jeu. J'appuie sur le sonnette du steward. Le gars le regarde goguenard. Le steward arrive. Merde c'est le moins blindé de l'équipe en testostérone. Comme quoi une bataille se perd parfois sur pas grand chose. 
J'ai perdu. Il a gagné. Avec le coup de sonnette c'était pile ou face, et avec ce steward qui clairement draguait pas les mêmes cibles que Cave Man, c'était face et j'avais perdu. Y'avait aussi un jeune nerveux, ça aurait pu tomber sur lui, mais bon voila. Cave Man m'a insultée haut et fort devant le steward et les autres passagers médusés.
Cave Man: je t'emmerde, dégage, prends tes affaires, tu es une merde (nous noterons une certaine répétition dans la qualification, j'ai arrêté de compter le nombre de fois que le mot m*** a été prononcé).
Steward : calmez vous Monsieur, et restez poli! Madame reste polie, elle!
Cave Man: non elle est impolie! Depuiiis elle m'insulte. Regardez comment elle est assise!
Effectivement, j'étais figée de stupeur dans ma posture de lecture, c'est à dire les jambes en tailleur.
À ce niveau là le steward a aussi connecté que Cave Man était dans la place. Il a lâché l'affaire. Madame je vais vous aider à vous déplacer, il y a un Monsieur très gentil à côté du siège là bas.

Gentil il l'était, lumineux et apaisant aussi. Il a su trouver les bons mots pour calmer la profonde colère qui rugissait en moi, la rage de l'impuissance aussi. C'est un peu dans l'air du temps, malheureusement, cette sensation de ne pouvoir que subir la folie de l'autre quand ce qu'il vit le fait trop sortir de sa zone de confort. En psy on appelle cela "décompenser". Trop d'infos nouvelles, déconcertantes, et remettant en question leur vision du "Monde tel qu'il est". Alors pour s'en protéger, des réactions violentes (l'autre n'étant qu'un objet dont le rôle est de permettre à cette vision du monde d'exister), dans le but de regonfler l'ego blessé. Coûte que coûte sortir vainqueur et écraser l'autre, la profondeur de sa détresse mettant autant de baume sur cette plaie.

Je n'ai pas encore de conclusion à cette histoire. Qu'en pensez-vous ? 
Mon nouveau voisin m'a indiqué qu'il fallait faire de la pédagogie pour prendre conscience et avancer. Alors c'est ce que je fais, en décrivant les faits qui se sont déroulés sur le vol Corsair Paris-Abidjan du dimanche 30 avril, vu depuis les lunettes du 24C!

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Haiku Thérapie

: : Etre epuisé

: : Mer et souffle - nettoyé

: : Ose la lumière

Travail sur Soi

J'accompagne adultes et enfants à la découverte de Soi, au fil de chemins variés: burn-out, dépression, "crise de la quarantaine", gestion du poids, libération des addictions, difficultés d'apprentissage, deuils, crises de couple, insomnies, somatisations, etc. En consultation individuelle ou en ateliers, les outils partagés permettent à chacun d'accéder à une meilleure autonomie, dans sa tête et dans sa vie.

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Amélie N'Zé - Hypno-psychothérapeute

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