Regard d'enfant, cerveau triunique et bonheur

Je suis tombée il y a quelques sur cette interview de Frederic Lenoir : philosophe, sociologue et conférencier, auteur entre autres de Du bonheur, un voyage philosophique (essai, Fayard, 2013).

Plaisir, bonheur, amour, quête de sens… encore une fois, un chemin au fil de la connaissance de Soi.

On parle souvent du « regard d’enfant », « s’émerveiller comme un enfant ». A travers les lunettes des neuro-sciences, ca donne quoi ? Wikipédia explique  « la théorie du cerveau triunique représente trois cerveaux distincts apparus successivement au cours de l’évolution de l'espèce humaine : un cerveau reptilien, puis un cerveau paléomammalien (apparenté au cerveau limbique) et enfin un cerveau néomammalien (apparenté au néocortex) ».

Le reptilien est responsable des comportements primitifs assurant les besoins fondamentaux. Il assure la survie de l'individu et de l'espèce. Les comportements induits par le cerveau reptilien ne peuvent évoluer avec l'expérience, ne peuvent s'adapter à une situation, car ce cerveau n'aurait qu'une mémoire à court terme.

En français clair, même le roi des thérapeutes ne peut pas vous accompagner pour modifier les comportements induits par le reptilien. Vous pouvez en revanche les connaître et les respecter.

Revenons à la vidéo, manger me procure du plaisir et c’est super, mais mon reptilien qui gère aussi toutes mes fonctions vitales n’est pas ravi de cet apport superflu de calories et ne va pas évoluer juste parce que ca vous fait plaisir. Pour que ce plaisir (ressenti par le système limbique, j’y viens juste après) dure, il faut qu’il respecte aussi les données de programmation du reptilien.

Le système limbique donc ! Sa fonction essentielle est la survie par une bonne adaptation à l'environnement social : empathie, statut social,  intégration à un groupe, convictions et croyances, sentiment de sécurité... C'est aussi le lieu des mécanismes de motivation, réussites et échecs, plaisir et déplaisir... . Je goûte un plat pour la première fois, est ce que j’aime un peu/beaucoup/à la folie/passionnément/pas du tout ? Et selon ma culture, mon environnement, et ce que j’associe à ce plat, ma réaction devant du Jell-o ou des larves frites sera différente d’un individu à l’autre.

A partir de 15 ans (et jusque 25 ans environ) commence à maturer le neo-cortex,

Il représente la conscience, la capacité symbolique (capacité de remplacer certaines choses par d'autres), le langage, base de la pensée abstraite. Seul le cortex a cette capacité : c'est pour lui un moyen de gérer les autres cerveaux plus anciens. 

Concrètement ca veut dire quoi ? Les enfants s’émerveillent de l’instant présent. Ils profitent de chaque sensation/stimulation/émotion, l’enregistrent et s’appuient dessus pour en chercher/créer d’autres. Le reptilien est content, car avoir envie de reproduire des sensations de bonheur, c’est avoir envie de vivre. Et ils ne se prennent pas la tête (littéralement) à savoir si au fond c’est bien ou pas, car l’outil, ce mental omniprésent chez les adultes, n’est juste pas branché. Ouuuuuuf, ca fait du bien…

Alors si nous on arrêtait de se prendre la tête ? Profiter des kiffs de la vie, ces « premières gorgées de bière et autres minuscules plaisirs » (excellent livre de Philippe Delerm). En apprécier la fraîcheur et se laisser guider par ce fil d’Ariane pour explorer. C’était quand la dernière fois que vous avez fait quelque chose d’inattendu ? Tous les sens en alerte, qu’avez-vous ressenti ? C’est bon hein !

Pour finir un regard sur le bonheur version Costa Rica (pays dont la devise est « Pura Vida », la vie pure…) : 

Copinette se marie

Joie ! Préparation de la fiesta pour célébrer le mariage de Copinette. Enfin, « préparation », chez moi veut plutôt dire « réflexion ».

Mes copines en France se sont mariées autour de la trentaine, avant le premier enfant ou « c’est le moment » quand justement elles tombent enceintes.  Ca marche ça marche pas, on voit ensuite avec le temps. Stats de divorce sur Paris : 1 couple sur 2, le reste de la France 1 sur 3.

A Abidjan j’assiste à des mariages dont les couples vivent maritalement depuis 15 ans ou plus, ont déjà moult enfants (le pluriel commence à 2), et quand ils se disent OUI personne dans l’assistance ne croise les doigts en douce en se disant « j’espère pour eux que c’est pour la vie ».

Marrant, on parle du lourd poids des traditions en Afrique, et pourtant Copinette a l’air franchement happy.  Alors qu’est ce qui se passe là ?

Chez plusieurs ethnies ivoiriennes, la sexualité et le mariage sont deux choses séparées. Il est culturellement admis et normal que la femme ait une sexualité, on ne lui demande pas un papier pour respirer, dormir ou jouer. Si elle tombe enceinte, la seule chose que la communauté (famille, village) attendra du père est qu’il « assume », et assure une certaine sécurité financière/alimentaire/éducative pour sa progéniture. Papa cro-magnon part chasser le mammouth, maman gère la grotte et s’assure que les petits arrivent entiers et fonctionnels à l’âge adulte, monsieur le maire et la religion n’ont rien à voir dans ça. Cerveau reptilien (survie et perpétuation de l’espèce) content, la société approuve alors limbique (émotions) content aussi, et puisque au moment de se marier les habitudes et comportement de ce choix de vie sont déjà en place, neo-cortex continue de ronronner comme un gros chat. A priori, pas de crise en vue si pas de changement majeur de situation dans l’avenir. Bon en 2015 le tableau est un chouia plus compliqué…

Quand je discute avec mes copines de culture occidentale (quelle que soit leur origine, pas de bleu-marine…), on s’aperçoit qu’une certaine culture Disney et le paquet de croyances qui va avec les a baignées. Et moi idem, puisque maman française. La petite fille s’habille de rose et joue à la princesse, facile ensuite de s’identifier (et de prendre pour siennes leurs croyances et valeurs) à Cendrillon et ses Copinettes en quête de Prince Charmant. 1/ ils se marièrent, 2/ vécurent heureux, 3/ et eurent beaucoup d’enfants. Et guess what ? C’est exactement ce qui se passe ! La jeune fille cherche le Prince Charmant qui va (enfin !) lui passer la bague au doigt, précieux sésame pour ETRE HEUREUSE, à la suite de quoi elle aura beaucoup d’enfants.

Bon, là je suppose que vous voyez l’énorme mur arriver en plein virage, et la ferrari qui fonce sans dévier de sa trajectoire. En pleine vitesse, sûre de son coup (elle a su chanter « un jour mon prince viendra » avant la marseillaise), son cerveau se dépêche d’effacer (filtre de l’inconscient) toutes les données (pourtant captées automatiquement) qui pourraient venir lui casser son trip. Un peu comme ces textes qui circulent sur le net, où seulement la première et la dernière lettre des mots sont dans le bon ordre et pourtant on lit sans problème ? Ou les articles où on apprend à la fin qu’il y avait 5 coquilles et qu’on doit relire pour les trouver ? Le cerveau est le roi du photoshop instantané, il nous fait VOIR (entendre/sentir…) une version éditée de la « réalité » (ou plutôt une sélection de l’ensemble des données), afin que surnagent uniquement les données qui telles une boussole nous amènent vers notre Nord, notre objectif. Donc si je crois qu’après le mariage je serai heureuse, et bien je ne m’autorise pas à l’être vraiment avant, sinon mon cerveau reptilien (qui s’assure que je n’oublie pas de perpétuer l’espèce, sauf contre indication majeure) ne va pas être content. Il faut conserver la carotte…

Waou ! Tout ca alors que j’étais partie pour choisir le pagne de ma robe. Amélie, concentre toi !

Bon tout ca pour dire quoi ? Le bonheur, ça n’est pas à l’extérieur. Quand j’ai des moments qui me touchent, que je ris ou souris, mon limbique est content. Plein de chouettes émotions pétillent, elle me font battre le cœur et donnent envie de danser. Mouvement = santé, la vie peut continuer à avancer, mon reptilien est content. ET quand cela est en accord avec mes valeurs, mes croyances au fond de moi, et mes objectifs conscients de vie, alors neo-cortex est aligné avec tout le reste. Oui je sais, je simplifie exagérément, mais sinon ce post va devenir kilométrique, et j’ai encore des pagnes à choisir (les filles, allez checker les derniers Vlisco…).

Respirez. Regardez en l’air et souriez bien haut. Epaules dégagées, prenez une profonde et lente inspiration, et soufflez encore plus doucement. Voilà… A repeter 3 fois. Ca va mieux déjà… Observez ce qui vous fait sourire, jour après jour. Le best of des 3 (4, 5…) meilleurs kiffs de la journée. Votre corps vous le dit, c’est CA qui vous fait vous sentir VIVRE. Alors si ca ne colle pas avec vos valeurs ou objectifs conscients, posez vous pour observer la différence. La méta-position, c’est de regarder toute cette histoire de l’extérieur, tranquille du haut de sa montagne. Au fond, mariage bébés bonheur, l’ordre a-t-il vraiment de l’importance ? Si un cadre légal ou religieux vient (ou non) mettre un mot sur des comportements et cheminements qui me procurent des émotions positives et me rechargent (limbique content), et permettent quand c’est possible de perpétuer, nourrir, élever la vie, est ce que ca n’est pas ça le paradis ?

Copinette, j’aime la lumineuse personne que tu ES. Je vous souhaite à tous les 4 beaucoup de bonheur, pour des siècles et des siècles. <3 

PS: en résumé, apprenez à vos filles à moins se préoccuper des pantoufles de verre et plus de DEFONCER ce fichu plafond de verre entre qui elles-pensent-qu'elles-doivent-être et qui elles SONT ;-)

J'ai un problème

Comment vous dire, cette phrase je l'entends assez souvent ;-) Alors du coup j'écoute. J'écoute pour savoir QUI a mal à l'intérieur, et où. Et vous savez quoi? Quel que soit l'âge de la personne en face, c'est toujours un petit enfant qui a mal. Et qui veut qu'on le prenne dans ses bras.

On admet facilement l'idée qu'à l’extérieur le "nous" soit monsieur truc ou madame machin. Toutefois, cette personne est en réalité composée à l'intérieur de pleiiiiiin de petites cellules, chacune avec un fonctionnement et un rythme propre. Tout ceci assemblé forme ce fameux "nous". Et bien la personnalité que l'on montre à l'extérieur, est aussi composée de pleiiiiin de facettes intérieures qui interagissent entre elles. Au passage, courez vite voir le dernier Disney-Pixar "Vice-Versa", ce petit bijou explique très bien ce fonctionnement, pour les petits et les grands.

On en revient à la "personnalité" qu'on montre à l'extérieur (que je ne perde pas le fil). Quand à l'intérieur une partie est blessée, les autres la trainent et s'épuisent. Du coup, toutes les actions ne sont plus dirigées vers le but initial - votre réel objectif de vie- mais font plutôt un cordon de sécurité autour de la blessure, ce qui ne la rend que plus visible (tout tourne autour de CA!).

Alors quand on réalise qu'on tourne en rond, que ça se casse toujours la figure de la même façon, il faut aller voir cette blessure à l'intérieur, la soigner, lui permettre de cicatriser pour que le disque de la vie puisse se remettre à jouer, la rayure sur le vinyle enfin intégrée à la symphonie.

Parce que hein, j’ai déjà entendu « les psy c’est pour les fous ». Non justement, perso les « fous » (ceux qui sont complètement déconnectés de notre perception commune de la « réalité »), je les réfère à des collègues  à suffixe en –iatre , afin que dans ce dialogue de sourds chacun soit préservé et protégé.

Mais au fait, est ce que un « fou » ca ne serait pas une personne qui a force de ne pas avoir le mode d’emploi se retrouve enfermé à l’extérieur, sans les clés pour rentrer ? Bref, je digresse…

François le Doze est neurologue (= travaille sur le cerveau, comme l’allergologue sur les allergies), psychothérapeute (=soigne les blessures de l’âme). Il nous explique cet Internal Family System.